Dans cette rubrique “Compréhension du stress au travail”, ce trop long résumé de 4 pages d’un rapport de 127 pages à propos des mécanismes du stress, vise à mieux vous le faire connaître pour prévenir et limiter le risque.
L'ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL SUR LE STRESS AU TRAVAIL DU 2 JUILLET 2008 fixe l’objectif d’augmenter la prise de conscience et la compréhension du stress au travail par les employeurs, les travailleurs et leurs représentants ; celui d'attirer l'attention sur les signes susceptibles d'indiquer des problèmes de stress au travail et ce, le plus tôt possible et fournir aux employeurs et aux travailleurs un cadre qui permette de détecter, de prévenir, d'éviter et de faire face aux problèmes de stress au travail, sans culpabiliser les individus sujets au stress.
C’est dans ce cadre que l’UNSA France Travail vous propose un résumé du rapport de l’ancien sénateur Monsieur Dériot à propos du mal-être au travail, rapport déposé en 2010 dans le cadre de la commission des affaires sociales.
Ce rapport montre que le taux de suicides varie selon le secteur d'activité et selon la catégorie socioprofessionnelle : « Le secteur de la santé et de l'action sociale présente le taux de mortalité par suicide le plus élevé (34,3/100 000), puis viennent ensuite les secteurs de l'administration publique (en dehors de la fonction publique d'Etat) (29,8/100 000), de la construction (27,3/100 000) et de l'immobilier (26,7/100 000). L'analyse par groupe socioprofessionnel montre des taux de mortalité près de trois fois plus élevés chez les employés et surtout chez les ouvriers par rapport aux cadres »
Un élément permettant d'appréhender la souffrance au travail est le stress.
Les mécanismes du stress, les trois phases du syndrome général d'adaptation face à une situation stressante
Réaction d'alarme : Dès la confrontation à une situation stressante, des hormones sont libérées par l'organisme, qui ont pour effet d'augmenter la fréquence cardiaque, la tension artérielle, les niveaux de vigilance, la température corporelle et de provoquer une vasodilatation des vaisseaux des muscles. Toutes ces modifications ont pour but d'amener l'oxygène aux muscles et au cœur et ainsi de préparer l'organisme à réagir.
Résistance : Après l'alarme, un second axe neurohormonal est activé, préparant l'organisme aux dépenses énergétiques que nécessitera la réponse au stress. De nouvelles hormones sont sécrétées : elles augmentent le taux de sucre dans le sang pour apporter l'énergie nécessaire. Elles ont la particularité de pouvoir freiner leur propre sécrétion par rétroaction.
Epuisement : Si la situation stressante se prolonge ou s'intensifie, les capacités de l'organisme peuvent être débordées : c'est l'état de stress chronique. Pour faire face à la situation, l'organisme produit toujours plus d'hormones et le système de régulation naturel devient inefficient. L'organisme, submergé d'hormones, est en permanence activé. Il s'épuise.
L'accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 sur le stress au travail considère qu’« un état de stress survient lorsqu'il y a déséquilibre entre la perception qu'une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu'elle a de ses propres ressources pour y faire face. L'individu est capable de gérer la pression à court terme mais il éprouve de grandes difficultés face à une exposition prolongée ou répétée à des pressions intenses. En outre, différents individus peuvent réagir de manière différente à des situations similaires et un même individu peut, à différents moments de sa vie, réagir différemment à des situations similaires. Le stress n'est pas une maladie mais une exposition prolongée au stress peut réduire l'efficacité au travail et peut causer des problèmes de santé »
Contrairement à une idée répandue, on ne peut pas distinguer médicalement un « bon » et un « mauvais » stress : le stress s'exprime toujours de la même manière. En revanche, le stress aigu et le stress chronique n'ont pas les mêmes conséquences sur la santé. Alors que les conséquences du premier disparaissent avec le stimulus qui l'a fait naître, le second « s'inscrit dans la durée : c'est le cas quand, tous les jours au travail, nous avons l'impression que ce qui nous est demandé dans le cadre professionnel excède nos capacités. Ce type de situation de stress chronique, même lorsqu'il est choisi, est toujours délétère pour la santé »
Les effets du stress pour l'organisme sont à la fois physiques, émotionnels, intellectuels et comportementaux.
Lorsque la situation de stress se prolonge, elle peut donner naissance à de véritables pathologies, qui vont du syndrome métabolique aux maladies cardio-vasculaires, à l'anxiété et à la dépression, ou encore aux troubles musculo-squelettiques (TMS). Ces derniers représentent la première cause de déclaration de maladies professionnelles (74 % en 2008), et sont en forte augmentation (17 % par an depuis dix ans) : en 2008, 36 900 nouveaux cas de TMS ont été indemnisés.
Ainsi les troubles potentiellement associés au stress sont à la fois fréquents et graves ; reste cependant à déterminer dans quelle mesure le stress est un facteur déterminant dans leur apparition ou leur aggravation.
Dans leur accord du 2 juillet 2008, les partenaires sociaux ont déterminé une série de signaux d'alarme qui, indépendamment de l'état physique et psychique des individus, doivent attirer l'attention car on considère qu'ils peuvent révéler l'existence d'un stress au travail : « Par exemple, un niveau élevé d'absentéisme, notamment de courte durée, ou de rotation du personnel en particulier fondé sur des démissions, des conflits personnels ou des plaintes fréquents de la part des travailleurs, un taux de fréquence des accidents du travail élevé, des passages à l'acte violents, contre soi-même ou contre d'autres, même peu nombreux, une augmentation significative des visites spontanées au service médical sont quelques-uns des signes pouvant révéler la présence de stress au travail. »
Plusieurs facteurs peuvent intervenir pour donner naissance aux troubles psychosociaux : le stress au travail ; le harcèlement moral ; les incivilités, les agressions physiques ou verbales, les violences ; enfin, plus généralement le sentiment de mal-être au travail et de souffrance au travail.
LES MUTATIONS DU MONDE DU TRAVAIL À L'ORIGINE DE CE MAL-ÊTRE
La recherche de la performance conduit à fixer aux salariés des objectifs de plus en plus élevés, qui finissent par devenir inatteignables, ce qui place systématiquement les salariés en position d'échec. Le développement des « pathologies de surcharge » (TMS, « burn out » ...) témoigne de l'alourdissement de la charge de travail des salariés et de l'usure ou de l'épuisement psychique qui en résulte. Les objectifs fixés peuvent être quantitatifs mais aussi qualitatifs. Au cours de son audition, le professeur Christophe Dejours a ainsi souligné les effets négatifs pour la santé psychologique des salariés de l'objectif de « qualité totale », c'est-à-dire de réalisation d'un travail parfait. Comme il n'est pas possible de satisfaire entièrement cet objectif, les salariés peuvent être amenés à mentir ou à frauder pour ne pas être pris en faute au moment des contrôles et des audits. Le conflit entre ces comportements et leur propre éthique professionnelle peut alors être source de crise identitaire et de désorientation.
La mission a organisé des tables rondes consacrées à cinq grands services publics : Pôle emploi, l'Éducation nationale, la police nationale, les établissements de santé et La Poste. Ces auditions ne prétendent pas être exhaustives mais elles ont permis de discerner quelques tendances communes :
Il est intéressant d'observer que la fréquence des agressions est corrélée à certains modes d'organisation du travail. Près de 30 % des salariés dont le rythme de travail est imposé par un contrôle hiérarchique ou informatisé ont subi une agression au cours des douze derniers mois. Les agressions sont également plus fréquentes quand les salariés doivent répondre à une demande à satisfaire immédiatement ou lorsqu'ils ne peuvent interrompre leur travail quand ils le souhaitent. Les salariés qui indiquent devoir souvent se dépêcher ou devoir fréquemment interrompre une tâche pour une autre non prévue signalent nettement plus souvent des agressions (29 %).
Il semble donc établi qu'une organisation du travail rigide ou une surcharge de travail favorise la survenue d'agressions contre les salariés. L'incapacité du salarié à répondre de manière satisfaisante à la sollicitation du client ou de l'usager peut induire, en réaction, des comportements agressifs. Or, la « taylorisation » des activités de service, évoquée précédemment, qui enferme les salariés dans des procédures préétablies dans le but d'améliorer le rendement, crée un contexte propice à de tels comportements.
DES SALARIES PLUS ISOLES
Comme l'a expliqué la sociologue Danièle Linhart, des pratiques qui relèveraient aujourd'hui du harcèlement existaient déjà dans les années cinquante ou soixante, à l'époque où les industries étaient organisées sur un mode taylorien, mais la souffrance des salariés était alors prise en charge par des collectifs qui assuraient solidarité et entraide. Or, les nouvelles formes d'organisation du travail mises en oeuvre depuis les années soixante-dix ont affaibli les collectifs de travail et laissé les individus plus isolés.
UN MANAGEMENT PLUS INDIVIDUALISÉ
L'affaiblissement des collectifs de travail résulte d'abord de l'application de méthodes managériales plus individualisées. Ces méthodes se sont répandues d'autant plus aisément que les valeurs promues après mai 1968 valorisaient l'initiative individuelle au détriment des rapports hiérarchiques traditionnels.
Ces méthodes font appel à la subjectivité des salariés : il faut s'impliquer, être réactif, investi dans son travail pour répondre aux exigences de la production. Elles ont pour effet d'introduire une concurrence entre les salariés au sein même des entreprises, au détriment des rapports de coopération et d'entraide. Un salarié en souffrance développe des stratégies de défenses, qui diffèrent selon sa situation professionnelle. Mais la capacité de résistance d'un individu isolé est plus faible que celle d'un individu qui bénéficie du soutien d'un collectif. Le mouvement actuel de « décollectivisation » ou de « réindividualisation », pour reprendre des expressions du sociologue Robert Castel , est donc propice à l'apparition d'un plus grand nombre de pathologies du travail.
DEFINITION DE HARCELEMENT ET DE LA VIOLENCE AU TRAVAIL
Le harcèlement survient lorsqu'un ou plusieurs salariés font l'objet d'abus, de menaces et/ou d'humiliations répétées et délibérées dans des circonstances liées au travail, soit sur les lieux de travail, soit dans des situations liées au travail. La violence au travail, quant à elle, se produit lorsqu'un ou plusieurs salariés sont agressés dans des circonstances liées au travail. Elle va du manque de respect à la manifestation de la volonté de nuire, de détruire, de l'incivilité à l'agression physique.
L'accord précise que les phénomènes de stress, lorsqu'ils découlent de l'organisation du travail, de l'environnement de travail ou d'une mauvaise communication dans l'entreprise, peuvent conduire à des situations de harcèlement et de violence au travail plus difficiles à identifier.
POLE EMPLOI
Au cours du mois de décembre 2009, cinq tentatives de suicide ont eu lieu à Pôle emploi, faisant suite à un premier cas de suicide survenu en mars de la même année.
Afin de répondre aux inquiétudes suscitées par ces drames, la direction des ressources humaines a chargé le cabinet d'expertise Isast (intervention sociale et alternatives en santé au travail) de conduire un diagnostic sur les risques psychosociaux.
L'enquête s'appuie sur un questionnaire envoyé aux 47 853 salariés de Pôle emploi (effectif au 31 octobre 2009). Avec 25 000 réponses, celui-ci a reçu un taux de retour supérieur à 50 %. Les résultats, présentés en janvier 2010, révèlent un certain malaise : 71 % des répondants au questionnaire indiquent être dans « une situation de travail tendu » ; plus d'un quart déclarent être en souffrance, ressentir du mal-être ou du stress professionnel. La plupart disent être trop souvent bousculés, interrompus, ne pas disposer d'assez de temps pour travailler correctement, et ne pas pouvoir développer de manière satisfaisante leurs compétences professionnelles. Les thèmes les plus fréquemment évoqués par les salariés sont ceux du management, de l'organisation et des conséquences de la fusion entre l'ANPE et les Assedic. L'inquiétude est également importante en ce qui concerne l'évolution du travail.
Si les salariés estiment pouvoir compter sur le soutien de leurs collègues avec qui ils entretiennent des relations d'estime réciproques, ils attendent peu de soutien de la part de leur hiérarchie.
La table ronde organisée par la mission avec les représentants syndicaux de Pôle emploi a confirmé ce diagnostic. Ceux-ci ont d'abord insisté sur la perte de sens du travail : un grand nombre d'agents déclarent souffrir d'une crise d'identité professionnelle. Ils ont le sentiment de ne pas respecter les droits des usagers du service public de l'emploi et ne s'estiment pas assez reconnus dans leur travail.
EN CONCLUSION
Autrefois, le mal-être au travail était pris en charge par des collectifs qui assuraient solidarité et entraide. Or, l'individualisation des rapports de travail, la chasse aux « temps morts », la sous-traitance en cascade, le développement des outils de communication électroniques qui, à la fois, connectent et isolent, pour ne citer que ces principaux facteurs, ont affaibli les collectifs de travail et laissent, trop souvent, les salariés seuls face à leur souffrance.
Vécue sur le mode de l'échec individuel, cette souffrance tend à être analysée en termes psychologiques, même lorsqu'elle trouve son origine dans des problèmes très concrets d'organisation ou de management.
La souffrance apparaît lorsque les salariés ne comprennent plus les objectifs qui leur sont assignés ou lorsqu'ils ont le sentiment que leur travail n'est pas reconnu à sa juste valeur. La distance croissante entre les dirigeants et leurs subordonnés est source d'incompréhensions : cette distance peut être géographique, dans les grands groupes, mais elle peut résulter aussi d'une méconnaissance, par les managers, des métiers de leurs collaborateurs, ce qui les empêche de fixer des objectifs réalistes et de prendre la mesure des efforts accomplis.
"En conclusion, je voudrais souligner que la recherche du bien-être au travail et l'efficacité économique ne sont pas antinomiques ; elles vont, au contraire, de pair puisque des salariés heureux et fiers de leur travail donneront le meilleur d'eux-mêmes. La lutte contre le mal-être au travail est d'autant plus urgente que la perspective d'un allongement de la durée d'activité impose plus que jamais de réduire toutes les formes de pénibilité".