Réunions, brainstorming, courriels, visioconférences, stress, anxiété informationnelle, surmenage, burn out, syndrome de débordement cognitif, syndrome de saturation cognitive, cyberdépendance, désengagement, déficit d’attention, modification de la mémoire à long terme, altération du jugement, indécision, détérioration du savoir analytique...
Dans cet article l'UNSA vous résume le référentiel annuel 2023 de l'OICN (Observatoire de l'Infobésité et de la Collaboration Numérique) fruit du travail de Mailoop, entreprise qui accompagne les organisations dans la prévention des impacts de l’infobésité et l’amélioration de la collaboration numérique.
Ce référentiel apporte un éclairage et place des définitions sur les mots suivants :
Hyper-connection -- Pénibilité numérique - Hyper-réactivité - Isolement numérique - Entropie informationnelle - Conversation numérique - adoption des outils collaboratifs - Travail collaborati sur fichiers - Pleine concentration (deepwork) - Trop plein d'emails - Réunionite - Tunnel de réunions - Multitâches - Impact carbone des emails - Partage de fichiers - Cycle de vie de l'information - Audience
Quelques définitions
Le stress numérique est la conséquence de l'amplification des mécanismes de stress chez les personnes par un environnement où les technologies numériques sont omniprésentes. Par exemple, en France le nombre de cartes SIM actives, soit 80 millions, dépasse le nombre de Français, soit 66 millions. De plus, au moins trois réseaux sont simultanément disponibles pour plus de 99 % de la population. Cette expression identifie des conséquences du nouveau paradigme psychosocial amené par les technologies numériques, auquel est associé le caractère addictif du numérique. En France, le stress numérique concerne près d'un salarié sur trois3.
Du stress au syndrome d’épuisement professionnel et d'usages libres aux dépendances numériques , les enjeux sont multiples. Ils invitent à une éducation numérique préventive qui initie les gens à une compréhension des modèles biopsychosiaux du stress, par exemple, afin de pouvoir distinguer les usages numériques bénéfiques de ceux à risques.
La surcharge informationnelle. La surinformation peut être simplement définie comme le fait de recevoir plus d’informations qu’il n’est possible d’en traiter.
La surcharge informationnelle (en anglais information overload), surinformation ou infobésité (néologisme québécois), est l'excès d’informations qu'une personne ne peut traiter ou supporter sans se nuire à elle-même ou à son activité. Cette notion est également évoquée par le sociologue Edgar sous l'appellation de « nuage informationnel ».
Histoire
Bien que ce concept soit au début du xxie siècle étroitement lié au développement des chaînes de télévision d’information en continu, à l'utilisation des technologies de l’information et de la communication et, en particulier, des nouvelles technologies de l'information représentées par Internet, il a fait son apparition dès le début des années 1960 comme l'une des sources de dysfonctionnement des organisations.
Les chercheurs mettent l’accent sur la question des ressources cognitives pour traiter les informations. Roetzel (2019) affirme que lorsqu'un décideur est au carrefour de nombreux ensembles d'informations et que celles-ci sont à la fois complexes, nombreuses et en contradiction partielle les unes avec les autres, la qualité de sa décision ne peut que diminuer en conséquence de la limitation des ressources cognitives et du temps dont il dispose pour traiter toutes ces informations et prendre des décisions
Effets
Au plan personnel, on dénote des répercussions physiques, émotionnelles et intellectuelles : stress, anxiété informationnelle, surmenage, burn out, syndrome de débordement cognitif, syndrome de saturation cognitive, cyberdépendance, désengagement, déficit d’attention, modification de la mémoire à long terme, altération du jugement, indécision, détérioration du savoir analytique.
Il est impossible de déterminer à quel moment un individu devient en surcharge informationnelle, chaque personne a des seuils de tolérance différents aux divers aspects de la surinformation
Ce phénomène s’accentue dans le domaine de l’entreprise, où les médias traditionnels (réunion, brainstorming...) s’ajoutent aux TIC (courriels, visioconférences...). Kalika nomme cela la « théorie du millefeuille », qu'il traduit comme étant « le fait que les moyens de communication se juxtaposent les uns sur les autres sans se mélanger véritablement »
Infobésité et Collaboration Numérique RESUME DU REFERENTIEL 2023
1/LES RISQUES PSYCHOSOCIAUX ET LE STRESS AU TRAVAIL
Hyper-connection
Dans la loi depuis 2017, le droit à la déconnexion se limite à un engagement de moyens.
5 ans plus tard, beaucoup de chartes ont été publiées, pour peu d’effets mesurés. Pourtant, la disparition des temps déconnectés de repos quotidiens, de repos hebdomadaires ainsi que de congés détériore la santé mentale des salarié·es. C’est un facteur de risques psychosociaux encore trop sous-estimé y compris par les salarié·es eux-mêmes. Place aux engagements de résultats.
Le volume d’emails envoyés et reçus est le premier indicateur révélateur de l’infobésité ou surcharge informationnelle. Il est fortement corrélé à la typologie des métiers, et souvent agravé par les responsabilités managériales.
Sans action, il peut générer une incapacité à réaliser le travail prescrit. Il devient un facteur de stress et d’épuisement qu’il faut suivre. On parle alors de pénibilité numérique.
Combien d’emails gère t-on par semaine ?
Un·e manager envoie en moyenne 47 emails par semaine, qui touchent 110 destinataires
L’email a été pensé comme un moyen de communication asynchrone. Dans les usages, il est en réalité devenu un outil de conversations instantanées. Les notifications, sur le bureau ou les smartphones, participent à cette hyper-réactivité. Les conséquences sont multiples : augmentation du bruit numérique lié aux croisements des réponses, baisse de la qualité conversationnelle, sentiment d’urgence permanent générant stress et anxiété.
Combien de temps met-on à répondre aux emails ?
Sur 100 réponses envoyées par un·e dirigeant·e, 19,4 % sont faites en moins de 5 minutes.
Avec l’accélération de l’utilisation des outils digitaux et le développement du télétravail, l’essentiel des échanges interpersonnels sont déplacés vers les canaux numériques. En étudiant la taille des réseaux de communication, on peut facilement identifier les populations sur-sollicitées ainsi que les collaborateurs et collaboratrices isolé·es.
Cette mesure peut éclairer l’exposition au burn-out et au bore-out
Avec combien de personnes interagit-on en moyenne par semaine ?
5,7% des personnes échangent avec moins de 5 personnes différentes par semaine.
La circulation de l’information se détériore avec la complexification des missions. Les formes de management matricielles, la transversalité des projets, le tout exercé dans un contexte hybride génèrent des schémas de communication coûteux.
Ce bruit numérique, ou entropie informationnelle, gagne à être étudié pour en limiter les effets exponentiels, causés par des outils qui n’ont pas été conçus pour ces nouveaux formats de collaboration
Lorsqu’un échange dépasse les trois réponses, l’email n’est pas l’outil le plus adapté pour collaborer efficacement. Pourtant, par mimétisme et automatisme, nous répondons à notre interlocuteur par le canal qu’il utilise. Pour sortir du cercle vicieux, il est intéressant de questionner le choix du canal de communication, et revaloriser les échanges humains quand ils sont possibles.
Les outils conversationnels et collaboratifs inventent de nouvelles façons de collaborer en équipe. Lorsqu’ils sont maîtrisés, les informations sont plus facilement disponibles pour l’ensemble des parties prenantes. Pourtant, près de 90 % des collaborateurs et des collaboratrices ne les utilisent toujours pas régulièrement. A l’heure du travail hybride, l’adoption de ces outils doit être finement étudiée pour identifier rapidement les actions prioritaires à mettre en place.
Le travail sur fichiers collaboratifs a un défaut majeur : il suffit qu’une seule personne rompe la chaîne collaborative, en téléchargeant le fichier pour le modifier, pour que tous les bénéfices associés disparaissent. Pour adopter les bonnes pratiques, trois leviers sont essentiels : la formation basée sur des cas d’usage concrets, pour comprendre la finalité et vivre la puissance du travail collaboratif sur fichier ; l’accompagnement individuel pour aider à surmonter les appréhensions ; puis la pérennité et l’intransigeance du choix de l’équipe pour ses méthodes collaboratives pour ne plus perdre personne.
3/ LE MANQUE DE TEMPS ET LA CHARGE MENTALE AU TRAVAIL
Pleine concentration (deepwork)
L’augmentation des volumes de données échangées croisée à l’accélération des flux génère une sur-sollicitation quasi continue. Aujourd’hui, 70% des collaborateurs et collaboratrices interrompent leur tâche quand surgit une notification. Sachant qu’il faut au moins 30 min sans interruption pour que le cerveau soit au maximum de ses capacités, les temps de travail intense (deepwork) disparaissent progressivement. Les efforts de reconcentrations multiples génèrent une fatigue cognitive toujours plus importante.
Combien de créneaux de pleine concentration (d’une heure) a-t-on chaque semaine ?
Créneaux d’1h sans envoi d’emails sur les semaines ouvrées (9h - 18h)
Chaque jour, nous recevons une masse d’informations à traiter. Le déséquilibre entre ce flux entrant et nos capacités de traitement génère quotidiennement un retard à rattraper.
C’est une des formes les plus visibles de la charge mentale associée au travail de bureau : devoir terminer sa liste d’emails entrants pour pouvoir partir le soir l’esprit libéré. Il est intéressant, sur la durée, d’identifier ce décalage, révélateur du trop plein d’emails pour mieux équilibrer la charge de travail numérique.
Combien d’emails non lus sont générés chaque année ?
9,9 % des collab. lisent moins de 50 % de leurs emails reçus.
Souvent associé à l’infobésité, la réunionite est un des symptômes visibles de la complexification des projets : plus de parties prenantes, plus de difficultés à décider, plus de besoins de reporting et d’alignement. La réunion porte également un sens social, puisque c’est le lieu, virtuel ou réel, de la représentation. En être ou ne pas en être, là est la question !
Avec le développement du travail collaboratif et hybride, les volumes de réunions augmentent régulièrement depuis plusieurs années. Un phénomène s’est accentué : le tunnel de réunions. La digitalisation des réunions (Teams, Zoom...) post confinement a permis l'enchaînement de réunions qui laissent moins de 30 min de répit au salarié·e (disparition des temps logistiques).
Lorsque le cumul du temps passé en réunion et de la gestion de ses flux de communication se rapproche de 5h par jour, émergent alors des habitudes de multi-tasking. La charge de travail restant la même, il faut trouver des créneaux pour continuer à produire ce qui est demandé. On observe deux tendances dans les données d’usages : la capacité à accepter plusieurs réunions en parallèle pour ne rien manquer, et l’augmentation des volumes d’emails envoyés pendant les réunions.
Les flux de communication migrent toujours plus vers des services hébergés sur le cloud.
Les données virtuelles y sont physiquement hébergées, et de nombreuses fois répliquées, au sein de datacenters qui consomment toujours plus d’énergie avec l’explosion des volumes de données. Ils représentent près de 3% de la consommation mondiale en 2022, probablement plus de 10% en 2030. Il est important d’adopter des pratiques numériques plus sobres, en agissant sur les leviers ayant vraiment de l’impact : réduire les stocks et les flux.
Les pièces jointes sont responsables de la plus grande partie du poids des emails. Ce phénomène est accentué par l’adoption encore faible du travail collaboratif sur fichiers impliquant des boucles de diffusion toujours plus larges. Le volume généré est toujours en croissance en 2022
Cycle de vie de l'information
L’information doit avoir une durée de vie. Nous conservons des dizaines de milliers de documents et d’emails pour lutter contre la peur de perdre notre mémoire. Il est plus simple de définir une durée de vie par défaut à l’information (stratégie de rétention), pour qu’ensuite la conservation de longue durée soit l’exception. Le suivi de la production nette annuelle (différence entre la création et la suppression) permet de se fixer a minima l’objectif de l’équilibre.
Combien d’emails dorment dans nos boîtes aux lettres ?
La donnée permet de savoir où agir en priorité. Quelques situations annuelles ont ainsi un impact important dans le volume total généré : c’est la cas de la communication à large audience, c'est-à-dire impliquant plus de cent personnes.
Ces envois peuvent rapidement générer des quantités très importantes d’informations répliquées dans toutes les boîtes : il faut donc en contrôler et en restreindre l’utilisation au maximum.